Qui n’a pas connaissance d’au moins un conte des frères Grimm ? En effet, leur renommée est telle qu’ils en viennent parfois à éclipser leurs prédécesseurs comme Charles Perrault. Ce qui est moins connu en revanche, c’est le fait que ces histoires ne sont pas issues de leur imagination, loin s’en faut. Sont-ils pour autant des imposteurs ? Rien n’est moins sûr. Voyons tout de suite pourquoi.
Le travail d’une vie
Pour commencer, il est bon de rappeler que les contes sont avant tout des récits oraux, transmis de génération en génération et de villes en pays pour au final exister partout – sous des versions différentes. D’autre part, n’oublions pas non plus que les frères Grimm ne forment pas une seule entité à proprement parler. Jacob naît en 1786 et Wilhelm en 1786, en Allemagne. Le premier effectuera un brillant parcours, tour à tour bibliothécaire du roi de Westphalie et professeur d’histoire. Le second suivra les pas de son aîné en devenant sous-bibliothécaire et également enseignant à l’Université de Göttingen.
Bientôt, leurs perspectives d’avenir se rejoignent : ils veulent œuvrer pour la conservation du patrimoine oral que constituent les contes dans leur pays. De fait, ils travaillent ensemble pour réunir les récits, qu’ils ont déjà commencé à récolter dès le début du XIXe siècle. Spécialistes de la langue et de la littérature, ils arpentent la région de la Hesse (à l’ouest du pays) à a recherche de conteurs et de conteuses. Leurs “informateurs” les plus connus sont des membres de la bourgeoisie.
Leur initiative a permis de conserver un patrimoine folklorique considérable. Ils ont en effet réalisé un véritable travail de fourmi pour parvenir à retranscrire les contes dans leur forme la plus connue et la plus originelle. Une bonne partie de leur entreprise consiste en effet à rechercher la version la plus authentique qui soit – sans les ellipses et les ajouts parfois faits par les conteurs et conteuses.
Nous ne connaissons qu’une partie des contes récoltés par Jacob et Wilhelm Grimm
Les deux frères ne sont donc pas les créateurs des contes qui les ont fait connaître. Mais leur démarche fait d’eux de véritables dépositaires de la culture allemande. Après quelques parutions communes, le premier tome des Contes de l’enfance et du foyer paraît en 1812. Le second sera édité en 1815, et tous deux seront suivis de très nombreuses rééditions. Le postulat scientifique de départ laissera place à des récits plus récréatifs et ludiques, à l’attention des enfants. C’est ainsi que Blanche-Neige, Le roi grenouille, Madame Holle, Les musiciens de Brême, Hansel & Gretel, Le vaillant petit tailleur et bien d’autres récits deviendront célèbres.
Mais en vérité, nous ne connaissons qu’une infime partie des histoires récoltées par les frères Grimm. En tout, ils ont pu en récolter plus de 150 ! Certains ont des sujets religieux, d’autres sont clairement merveilleux et quelques-uns s’inspirent directement de la vie quotidienne de l’époque. Les nombreuses rééditions – au nombre de sept du vivant de Jacob et Wilhelm – s’attellent par exemple au fil du temps à gommer des aspects érotiques de certains récits pour convenir à un public pus jeune.
Wilhelm décède en 1859, et sera suivi par son frère quatre ans plus tard. À la base scientifique, leur travail s’est peu à peu transmué en un véritable recueil d’une culture et d’une époque, qui leur survivra bien au-delà du temps et des frontières. Leur recueil figure par ailleurs au Registre international Mémoire du monde de l’UNESCO depuis 2005. En 2011, Natacha Rimasson-Fertin – spécialiste entre autres des récits récoltés par les deux frères – a publié une nouvelle traduction de l’intégralité des contes de Grimm aux éditions Corti. Autant de preuves que les récits récoltés il y a plus de 200 ans continuent de fasciner, même à l’heure où les veillées au coin du feu ne sont plus d’actualité.
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